Développer des infrastructures pour l’hydrogène : enjeux et opportunités économiques

L'hydrogène se positionne comme une formule prometteuse pour décarboner divers secteurs industriels et énergétiques. Son déploiement à grande échelle nécessite des infrastructures adaptées, de la production à l'utilisation finale. Ce développement présente à la fois des défis techniques et des opportunités économiques majeures pour les territoires. Entre innovations technologiques, investissements massifs et création d'écosystèmes industriels, la filière hydrogène est en pleine structuration en France et en Europe. Obtenez plus d’informations sur ses applications en consultant ce site.

Technologies de production d'hydrogène vert

La production d' hydrogènevert, c'est-à-dire sans émissions de CO2, repose sur plusieurs technologies en développement. L'objectif est de réduire les coûts tout en augmentant les capacités de production pour atteindre une échelle industrielle. Il est maintenant temps de tester d'autres types de carburant tels que l'électricité ou l'hydrogène.

Électrolyse de l'eau : procédés PEM, alcalin et SOEC

L'électrolyse de l'eau est aujourd'hui la technologie la plus mature pour produire de l'hydrogène vert à grande échelle. Elle consiste à décomposer la molécule d'eau (H2O) en hydrogène (H2) et oxygène (O2) grâce à un courant électrique. Trois types d'électrolyseurs se distinguent :

  • Les électrolyseurs PEM (Proton Exchange Membrane) : compacts et flexibles, adaptés aux énergies renouvelables intermittentes
  • Les électrolyseurs alcalins : technologie éprouvée, moins coûteuse mais moins souple
  • Les électrolyseurs à haute température SOEC (Solid Oxide Electrolysis Cell) : très efficaces mais encore au stade de R&D

Les rendements de ces technologies s'améliorent rapidement, avec des objectifs de 70 %-80 % pour les électrolyseurs PEM et alcalins d'ici 2030. Les coûts de production devraient également baisser de façon importante grâce aux économies d'échelle et aux progrès technologiques.

Vaporeformage du biométhane avec captage de CO2

Une autre voie prometteuse est le vaporeformage du biométhane couplé au captage et au stockage du CO2 (CCS). Cette technique permet de produire de l'hydrogène bas-carbone à partir de biogaz issu de la méthanisation de déchets organiques. Le CO2 produit lors du procédé est capté puis stocké, par exemple dans d'anciens gisements d'hydrocarbures.

Cette méthode présente l'avantage de valoriser les ressources en biométhane tout en produisant un hydrogène considéré comme renouvelable. Son déploiement dépendra cependant des capacités de stockage géologique du CO2 à proximité des sites de production.

Photocatalyse et photo électrolyse solaire

Des technologies plus prospectives comme la photocatalyse ou la photo électrolyse visent à produire directement de l'hydrogène à partir d'eau et d'énergie solaire, sans passer par l'étape intermédiaire de production d'électricité. Ces procédés prometteurs pourraient permettre à terme des rendements très élevés, mais restent encore au stade de la recherche fondamentale.

La production d'hydrogène vert à grande échelle nécessitera une combinaison de ces différentes technologies, adaptées aux ressources locales en énergies renouvelables.

Infrastructures de stockage et transport d'hydrogène

Sans parler de sa production, le développement d'une économie de l'hydrogène nécessite la mise en place d'infrastructures adaptées pour le stockage et le transport sur de longues distances de l'hydrogène vert. Plusieurs techniques sont envisagées pour répondre à ces besoins logistiques.

Stockage géologique : cavités salines et aquifères

Le stockage massif d'hydrogène dans des formations géologiques profondes apparaît comme une méthode prometteuse pour gérer les fluctuations saisonnières entre production et consommation. Deux types de stockages sont particulièrement étudiés :

  • Les cavités salines : creusées dans des dômes de sel, permettent de grands volumes de stockage étanches
  • Les aquifères profonds : ces nappes d'eau souterraines peuvent potentiellement stocker d'importantes quantités d'hydrogène

Des analyses sont en cours pour évaluer la faisabilité technique et la sécurité de ces stockages géologiques à grande échelle. Les premiers pilotes industriels devraient voir le jour d'ici 2025-2030.

Réseaux de pipelines dédiés : projets European Hydrogen Backbone

Le transport massif d'hydrogène sur de longues distances nécessitera la mise en place de réseaux de pipelines dédiés. Le projet European Hydrogen Backbone vise ainsi à développer un réseau européen de 39 700 km de canalisations hydrogène d'ici 2040, dont 70 % seraient issus de la conversion d'infrastructures gazières existantes.

Ce maillage permettrait de relier les principaux bassins de production et de consommation d' hydrogène vertà l'échelle européenne. En France, le projet de dorsale hydrogène vise à créer un axe nord-sud reliant les zones industrielles portuaires.

Technologies de liquéfaction et stockage cryogénique

La liquéfaction de l'hydrogène à très basse température (- 253°C) permet d'augmenter de façon importante sa densité énergétique, facilitant son stockage et son transport. Cette technologie, déjà utilisée pour le gaz naturel liquéfié (GNL), nécessite cependant des infrastructures complexes et énergivores.

Des progrès sont attendus pour améliorer l'efficacité énergétique du procédé de liquéfaction et réduire les coûts des réservoirs cryogéniques. Le stockage d'hydrogène liquide pourrait jouer un rôle important pour les applications nécessitant une forte densité énergétique, comme le transport maritime ou aérien.

Stations de recharge et distribution pour mobilité hydrogène

Le déploiement de la mobilité hydrogène, notamment pour les véhicules lourds, nécessite la mise en place d'un réseau de stations de recharge adapté. Ces infrastructures doivent répondre à des exigences techniques et de sécurité particulières.

Architectures des stations : compression, stockage, distribution

Une station hydrogène comprend généralement plusieurs éléments :

  • Un système de compression pour atteindre la pression de stockage (350 à 700 bar)
  • Des réservoirs de stockage haute pression
  • Des distributeurs permettant un remplissage rapide et sûr des véhicules
  • Un système de refroidissement pour compenser l'échauffement lors de la compression

Différentes architectures sont possibles selon la capacité de la station et son mode d'approvisionnement (production sur site ou livraison). Les stations les plus modernes permettent de recharger un véhicule léger en 3 à 5 minutes, pour une autonomie de 500 à 700 km.

Normes de sécurité particulières : protocole SAE J2601

La manipulation de l'hydrogène sous haute pression nécessite le respect de normes de sécurité strictes. Le protocole SAE J2601 définit ainsi les paramètres de remplissage sécurisé des véhicules hydrogène, en contrôlant notamment la vitesse de remplissage et la température.

Ces normes évoluent rapidement pour s'adapter aux nouveaux besoins, comme le remplissage des poids lourds nécessitant de plus grandes quantités d'hydrogène. La formation des personnels et la sensibilisation du public sont également indispensables pour garantir la sécurité des opérations.

Modèles économiques : stations publiques et stations privées

Le développement des stations hydrogène soulève la question de leur modèle économique. Deux démarches se distinguent, les stations publiques, accessibles à tous les utilisateurs et les stations privées, dédiées à des flottes captives (bus, taxis, logistique,...)

Le modèle des stations privées permet de sécuriser un volume de consommation minimal, facilitant l'amortissement des investissements. Les stations publiques ont, quant à elles, une plus grande souplesse pour les utilisateurs, mais nécessitent un soutien public important dans la phase de déploiement initial.

Le maillage optimal du territoire en stations hydrogène nécessitera probablement une combinaison de ces deux modèles, adaptée aux particularités locales.

Challenges techniques et économiques du déploiement

Le développement à grande échelle des infrastructures hydrogène se heurte encore à plusieurs défis techniques et économiques. Leur résolution conditionnera la compétitivité de cette filière énergétique.

Réduction des coûts de l'électrolyse : économies d'échelle et R&D

La production d'hydrogène vert par électrolyse reste aujourd'hui plus coûteuse que les méthodes conventionnelles à base d'énergies fossiles. Pour atteindre la parité économique, plusieurs leviers sont actionnés comme l'augmentation des capacités de production pour générer des économies d'échelle, l'amélioration des performances des électrolyseurs (rendement, durée de vie) ainsi que la réduction du coût des matériaux à risques (catalyseurs, membranes).

Gestion de l'intermittence des énergies renouvelables

La production d'hydrogène vert repose en grande partie sur l'utilisation d'électricité renouvelable, par nature intermittente. Cette mobilité pose des défis pour un meilleur fonctionnement des électrolyseurs et garantir une production stable.

Plusieurs méthodes sont étudiées pour y répondre comme le couplage avec des capacités de stockage d'électricité (batteries), l'utilisation d'électrolyseurs flexibles capables de s'adapter aux fluctuations de production ou encore le recours à un mix d'énergies renouvelables complémentaires (solaire, éolien, hydraulique).

La gestion intelligente de la production et de la demande d'hydrogène à l'échelle d'un territoire sera également décisive pour maximiser l'utilisation des infrastructures.

Développement de matériaux résistants à l'hydrogène

L'hydrogène est un gaz particulièrement difficile à confiner, en raison de la petite taille de ses molécules. Son utilisation massive nécessite donc le développement de matériaux adaptés capables de résister à la fragilisation par l'hydrogène.

Des investigations sont menées pour améliorer les propriétés des aciers, des polymères et des composites utilisés dans les infrastructures hydrogène. L'objectif est d'augmenter leur durabilité tout en réduisant les coûts de maintenance.

Ces progrès technologiques sont indispensables pour garantir la sécurité et la fiabilité des infrastructures sur le long terme, tout en maîtrisant les coûts d'investissement et d'exploitation.

Cadres réglementaires et incitations publiques

Le développement de la filière hydrogène s'appuie sur des cadres réglementaires et des mécanismes de soutien public ambitieux, tant au niveau européen que national.

Mécanismes de soutien : IPCEI hydrogène et fonds européens

Pour accélérer le déploiement des infrastructures hydrogène, l'Union Européenne a mis en place plusieurs mécanismes de soutien financier comme les IPCEI (Projets Importants d'Intérêt Européen Commun) qui permettent de financer des projets industriels d'envergure tout au long de la chaîne de valeur. Le fonds Innovation, doté de plusieurs milliards d'euros, lui, soutient les technologies bas-carbone dont l'hydrogène. Enfin, les fonds structurels et d'investissement européens, sont mobilisables par les régions pour développer leurs écosystèmes hydrogène.

En France, ces dispositifs sont complétés par la stratégie nationale hydrogène, dotée de plusieurs milliards d'euros sur 10 ans. Ces soutiens publics visent à réduire les risques pour les investisseurs privés et à créer un effet de levier pour atteindre rapidement une échelle industrielle.

Standardisation et certification de l'hydrogène bas-carbone

La mise en place de standards et de systèmes de certification pour l'hydrogène bas-carbone est indispensable pour garantir son origine renouvelable et créer un marché transparent. Plusieurs initiatives sont en cours comme le développement d'une méthode harmonisée au niveau européen pour calculer l'empreinte carbone de l'hydrogène sur l'ensemble de son cycle de vie, la création de systèmes de garanties d'origine, permettant de tracer l'hydrogène vert de sa production à sa consommation et l'élaboration de normes techniques pour assurer l'interopérabilité des équipements à l'échelle internationale.

Ces standards faciliteront les échanges transfrontaliers d'hydrogène et contribueront à l'émergence d'un véritable marché européen, voire mondial, de l'hydrogène vert.

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